Jupiter Eclipse

Samuel Richardot

24 janvier — 9 mars 2013


JUPITER ECLIPSE – VOYAGE SPATIAL

Ouverture

Noir, espace, puis une succession d’images : lumière, planète, terre, nature, formes, organes, organismes, micro-organismes… Comme dans l’introduction à la vidéo Echoes1 de Pink Floyd, comme dans 2001, A Space Odyssey, Jupiter Mission2 de Stanley Kubrick…

L‘ordre, le cosmos

Une autre image, un éclair lumineux perçant l’ondulation tracée dans la buée d’une vitre : fond, couleur, trace, forme, contres-formes. Ou l’on voit dans la douceur d’un geste fluide, les découpes acérées qu’il laisse dans les masses connexes. C’est l’image qu’a choisie Samuel Richardot comme introduction à l’exposition, en parallèle d’un titre convoquant d’emblée l’imaginaire SF. Au vu de son travail de peintre, il s’agit sûrement d’un contre-pied, mais il nous permet d’envisager son travail en empruntant le chemin de la métaphore spatiale…

 « Comme cela peut arriver pour l’univers assurément : nous ne savons pas s’il s’agit d’un cosmos ou d’un chaos. Mais bien des choses montrent qu’il s’agit d’un cosmos : les différents âges de l’homme, la marche des étoiles, la croissance des plantes, les saisons, les diverses générations aussi. Si bien qu’il règne un certain ordre, mais un ordre… assez pudique, assez secret oui. » Cette phrase que Borges adresse à Osvaldo Ferrari dans les Dialogues3 pourrait résumer quelques-uns des intérêts de Samuel Richardot pour le monde, pour la peinture aussi : l’ordonnance des choses de la nature, le passage du temps, la mémoire, ainsi qu’une attention forte accordée aux sensations et à l’imaginaire lors de la construction de ses tableaux.

Espace, forme, forme-espace

Selon les travaux, une grande variété de fonds sont peints ou juxtaposés, comme prélevés ailleurs, découpés, et réagencés. Dans certaines parties, une forte dilution de peinture nous ouvre les portes (les fenêtres en vérité) sur des univers immenses. D’autres ne trahissent aucune profondeur, et accentuent paradoxalement l’effet d’espace. D’autres encore viennent se superposer, créant d’autres espaces, formes ou même formes-espaces par le produit des deux. Le voyage ne s’opère pas dans la profondeur mais plutôt dans les associations ou les combinaisons de plans. Il n’y a jamais de mise en abyme mais des trompe l’oeil. De la même manière, le mouvement n’est pas, mais les formes suggèrent leur volume. Il n’est d’ailleurs pas surprenant de connaître l’intérêt particulier de Samuel Richardot pour les formes sculpturales ou les formes assemblées de l’art – je pense ici à certains travaux de Richard Tuttle, notamment les sculptures de la série Boys, let’s be bad boys de 1998, dans laquelle l’artiste américain agence des découpes de carton en compositions de surfaces et de lignes.

Des problématiques spatiales où chaque forme, contre-forme, vide, jouent un rôle non négligeable, et que l’on retrouve dans le travail de Richardot. Au dessus ou en dessous, en creux ou en plein, les formes sont le plus souvent suspendues et agissent pour l’équilibre. Elles flottent immobiles, pourrait-on dire, et participent à l’eurythmie des tableaux, à l’ordonnancement des images. En cela, l’ordre qui règne dans les oeuvres de Samuel Richardot est pénétré de l’idée de cosmos. Là aussi, Borges nous met sur la voie : « Savez-vous que le mot « cosmétique » trouve son origine dans le mot cosmos ? Le cosmos est le grand ordre du monde, et la cosmétique le petit ordre qu’une personne impose à son visage. C’est la même racine, cosmos : ordre ». Ainsi, du plus petit au plus grand, l’agencement des choses va dans le sens du grand tout.

Temps, mémoire, rêve

La progression dans les travaux de Samuel Richardot peut également s’opérer par le rapport au temps qu’ils induisent. Des temporalités paradoxales4 du fait des juxtapositions de plans et de différentes techniques, des collages, donc, qui impliquent un questionnement sur le moment peint, sur le commencement, etc. Il règne aussi dans ses oeuvres un équilibre tel que l’effet d’éternité rendu, certainement par la cohabitation des temps, nous ramène à un instant ou se rencontrent passé, présent et imaginaire. Le temps de l’observation qui converge avec celui de la mémoire, mais aussi celui des rêves car, comme nous le rappelions en introduction, on est là dans une approche sensible des formes dont l’appréhension peut se faire par rapprochements cognitifs5.

Marc Geneix


Samuel Richardot est né en 1982, il vit et travaille entre l’Auvergne et Paris.

Il est représenté par la galerie Balice Hertling, Paris.


1. Live at Pompeii, Director’s cut, film d’Adrian Maben, 1972-2003.

2. 2001 : a space Odyssey, film de Stanley Kubrick, 1968.

3. Dialogues, Osvaldo FERRARI, Jorge Luis BORGES, éditions Agora, 2012.

4. « Les oeuvres de Samuel Richardot nous invitent ainsi à confronter nos différentes perceptions du temps : son aspect fragmentaire autant que linéaire, sa nature hétérogène et homogène. Sans être narratives, ses peintures nous ramènent en amont de toute narration aux événements, aux éléments à partir desquels une histoire se constitue, une vie nouvelle prend forme. », Théodora Domenech, texte écrit pour l’exposition personnelle de Samuel Richardot à Art3, Valence, 11 mai – 28 juillet 2012.

5. Samuel Richardot est particulièrement sensible à la synesthésie : « Ce qui m’intéresse beaucoup dans le ressenti, c’est qu’il n’est pas forcément question du travail de la pensée, ni même d’image. Le sensoriel fait appel à autre chose qu’au mental – même si l’un va rarement sans l’autre. Le rapport synesthésique entre une sensation et une image déterminée reste l’un des points essentiels pour moi, dans la mise en place des éléments comme dans leur création. » Entretien avec Benjamin Thorel in Samuel Richardot, Edition : Noisy-Le-Sec, France, La galerie – 2009.