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Jean-Louis Aroldo
29 avril — 23 mai 2009
L’apparente simplicité de la situation, un mur peint en rouge vermillon sur lequel est posée une toile, abrite en réalité un tissu de citations. Il faudrait commencer par dévoiler ce qui constitue l’origine du motif peint qui semble au premier regard n’être qu’une abstraction et qui grâce à notre adaptation rétinienne naturelle se recompose comme la représentation d’un homme vue de dos. Cet homme, c’est Buster Keaton, acteur-réalisateur dont le corps au service des cascades du cinéma burlesque a fait l’objet d’une multitude d’expérimentations. Comme le dit Robert Benayoun1 « l’immortalité de Buster Keaton tient dans son regard » et c’est précisément à ce regard que s’attaque Beckett dans « Film »2, court métrage métaphysique où Buster Keaton déambule un sac sur la tête d’où est issu l’image peinte. Il y a dans « Film », une sorte de condensé des questionnements de Beckett qui pour les traduire brutalement épousent cette formule latine « Esse est percipi », être c’est être perçu.Tout comme le personnage de « Film » qui régulièrement prend son pouls pour s’assurer de la véracité de son existence tout en essayant d’échapper à toute forme de regard qui lui donnerait une gravité, la peinture de Jean-Louis Aroldo s’inquiète de son statu. Inquiétude qui se prolonge, à l’horizon des enjeux esthétiques, jusqu’au spectateur qui est de fait par ce dispositif d’une exposition en vitrine, un passant et donc l’alter égo du personnage peint.On comprend alors que le simple dispositif mis en place offre un jeu de cache-cache entre une œuvre et son spectateur. On comprend également qu’au-delà de la radicalité formelle de ce « catch eyes »3, constitué par ce mur rouge, quelque chose nous regarde. Cette chose, qui est au cœur de ce personnage qui nous tourne le dos, est difficilement définissable et presque désagréable. Cette chose, c’est peut-être une des fragiles formes de notre propre conscience d’exister.
Martial Déflacieux
« Film » est disponible en libre accès sur http://www.ubu.com/film/beckett_film.html
1 – Le regard de Buster Keaton aux éditions Ramsay poche cinéma
2 – Samuel Beckett, Film, 1966. Film cinématographique 35 mm, NB, silencieux (un son), 30′ Scénario : Samuel Beckett avec Buster Keaton
3 – Technique d’accroche l’oeil ou « catch-eye» des jardins anglais