VVincent OOlinet

Vincent Olinet

29 mars — 12 mai 2012


Le merveilleux (dé)fait main

Le travail de Vincent Olinet s’apparente à un incessant voyage entre un imaginaire débridé et une réalité qui ne donne jamais vraiment ce qu’elle promet. Fait d’espoirs et de désillusions, l’univers bâti par l’artiste emprunte à l’image enfantine et au monde féerique, leur puissance universelle et leur fort pouvoir métaphorique. Ainsi, les œuvres de Vincent Olinet s’appréhendent dans une lecture double qui, de l’apparence au détail, nous fait passer de l’admiration béate teintée d’une certaine forme de nostalgie, à un malaise léger que viennent questionner des formes dont le parfait attendu, est manifestement tombé dans l’approximation d’un fait-main douteux.

L’artiste joue ainsi sur notre perception du monde de l’enfance, notre mémoire et nos souvenirs, en créant des phénomènes paradoxaux d’attraction et de répulsion. Si le registre d’images et de formes utilisées, et leur ancrage dans l’inconscient collectif, nous attire dans une nostalgie des jours heureux, le côté bricolé et maladroit de ses sculptures ainsi qu’une certaine confusion entre vrai et faux, nous prive d’un plaisir qu’apparemment ne pouvait combler qu’une forme lissée, parfaite. Ce sont des lieux communs, des images génériques, dont l’intérêt premier s’avère être leur potentiel à parler à tous et de tous. Pour l’artiste, ces objets ne sont pas destinés à fasciner des enfants et n’évoquent pas un retour à l’enfance […] Ces objets sont simplement issus d’une imagerie qui a été en effet absorbée pendant l’enfance. Ils sont plus, à la fois l’idée d’une image que l’on retient ; et comment, dans l’inconscient collectif, nous synthétisons les objets qui nous entourent1.

Dans le travail de Vincent Olinet, ce qui crée l’ambigüité entre ce monde parfait et le résultat présenté est justement le fait qu’il s’appuie sur une certaine forme de faillite de la reproduction. Ce qui est jubilatoire ici, c’est que c’est précisément cela, cet à peu près, ce fait-maison, qui crée la poésie. Ni ébéniste, ni menuisier, encore moins joaillier, couturier ou marqueteur, Vincent Olinet tente pourtant l’excellence dans un combat perdu d’avance mais dont la réussite ne tient qu’à ce déséquilibre subtil entre la beauté attendue et son fini approximatif. Par exemple, Notre époque a la poésie qu’elle mérite, une couronne royale démesurée qui rappelle les changements d’échelle d’Alice au pays des merveilles, a subi un coup de moins bien : le fort agrandissement a aboli l’orfèvrerie, les pierres ne sont que semi-précieuses et l’or s’est mué en laiton. Le tout conférant à l’objet un aspect « jouet en toc ».

La désillusion ainsi provoquée questionne aussi notre difficulté, arrivés l’âge adulte, à retrouver la naïveté nécessaire à l’accession à l’émerveillement absolu, pourtant si bien connu plus tôt, dans le monde de l’enfance. En ce sens, les pièces de Vincent Olinet soulignent la fuite du temps et, si elles ne sont ni sabliers, ni crânes, ni bougies, elles démontrent là un sournois rapport aux vanités. Si certaines de ses œuvres effectivement se gâtent, fanent ou pourrissent, toutes nous rapprochent un peu d’un précipice dont le bord s’effrite inexorablement… car toutes sont la mise à nu d’une innocence perdue.

Dans l’exposition présentée à In extenso, Vincent Olinet a choisi de surjouer ce rapport à l’homme en présentant des pièces dressant un portrait humain en creux. Autour de la couronne, se dressent un ensemble de balais trouvés dans la rue et « anthropomorphisés » à l’aide de chevelures postiches. After the waves / The waifs / Irina, Svetlana, Tatiana et Anastasia, évoque dans un jeu de mot subtil – mais difficilement traduisible en français – un aller-retour improbable entre le mythe de l’orphelin et le cynisme dépeint dans les magazines people ; le terme waif désignant aussi bien un enfant abandonné, livré à la rue, qu’une jeune top model rachitique. Enfin, suspendue dans l’espace, une chemise confectionnée à partir de trois carrés Hermès dans lesquels l’artiste à coupé à vif, dévoile également, lorsqu’on s’attarde dans le détail, la distance infinie entre le façonnage de l’artiste et la qualité suprême des tissus et des imprimés. Cette œuvre, dessinée à partir des propres mensurations de l’artiste, confère à l’ensemble de l’exposition le caractère d’un autoportrait assumé à la manière d’un monde, un monde que l’artiste endosse ici sous le pseudonyme de VVincent OOlinet.

Marc Geneix

1 Entretien de Vincent Olinet avec Timothée Chaillou in Standard – N°31, April/June 2011- Unabridged version

Vincent Olinet est né en 1981 à Lyon, il vit et travaille à Bruxelles.

Il est diplômé de l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Lyon, et en 2006-2007 il était en résidence à la Rijksakademie, Amsterdam.

Il est représenté par la galerie Laurent Godin, Paris, et la galerie Ruth Leuchter, Düsseldorf.