Fell in love with the wolf
Jakup Auce
17 octobre — 21 décembre 2013
Voici le premier texte sur l’artiste Jakup Auce dont on ne sait rien ou presque.
Jakup Auce est un territoire vierge, une île à construire, une terre à conquérir. C’est là sa première exposition. « Avant » ne nous appartient pas.
Il nous dit être tombé amoureux du loup. Le loup ne lâche pas1, c’est une force du présent, un danger. Nous avons un sentiment d’urgence, une forte connexion avec la terre dans sa dimension puissante et tellurique. Il y a beaucoup d’images, elles s’entrechoquent, ce sont des portraits, des masques. Dans cette forêt de visages, il nous présente le monde. Des idoles dansent, leurs corps sont faits de croûte terrestre, d’écorce et de glace. Ce sont des images de la terre, des vues aériennes, un monde pris de loin, grand, imposant, et vertigineux. Et par-dessus, des objets viennent s’agencer en expressions figées et brutes.
Il y a une révolte. Une révolte pour le présent et l’immédiat. Un rêve solitaire, un Contre.
Voilà Michaux qui retend son poing :
[…] Avec de la fumée, avec de la dilution de brouillard et du son de peaux de tambours
Je vous assoirai des forteresses écrasantes et superbes,
Des forteresses faites exclusivement de remous et de secousses,
Contre lesquels votre ordre multimillénaire et votre géométrie
Tomberont en fadaises et galimatias et poussières de sable sans raisons. […]2
Michaux qui refusait le poids du passé de toute sa hargne pour installer la modernité. Jakup Auce, lui, veut tomber amoureux du loup. Ses images ont les traits fous des masques guerriers, et l’allure hiératique des moaï3. Présentées sur des structures autoportantes, ce sont des statues. Leur fabrication révèle aussi le goût de l’artiste pour une esthétique du Sublime que l’on retrouve – et de manière plus évidente encore – dans une petite sculpture-globe posée comme un fétiche, et isolée dans l’espace, à l’écart des grandes images. Assistons-nous à un rituel ? À une fête païenne ? Dieux ou démons, nous n’aurons guère d’autre réponse que la présence de ces portraits dominants, mystiques, et fantomatiques.
Tomber amoureux du loup, se révolter individuellement, aimer le danger, sont les premiers mots de Jakup Auce.
Marc Geneix
1. « Les dents du loups ne lâchent pas le loup, C’est la chair du mouton qui lâche. » Henri Michaux, extrait de « Contre ! » in La nuit remue – collection Poésie/Gallimard.
2. ibid.
3. Les moaï sont les statues monumentales de l’île de Pâques.